« Qui c'est, le jeune en armes à côté du
finankier Vovere ?
- C'est son fils.
- Je le croyais plus vieux...
- Non. Son
autre fils. Saed. Un bâtard plutôt fameux.
- Et il lui fait escorte ?
- Un excellent bretteur. Pour un fangeux, bien sûr. Le vieux Vovere aurait apparemment du mal à le laisser aux Vestes Jaunes...
- Tiens donc, un jaunard.
- Après tout, pourquoi pas ? Saed n'a aucune chance d'hériter de son père malgré tout l'amour que celui-ci lui porte. Et il aime, dit-on, trop son frère pour l'usurper. »
« Personne ne connait sa mère ?
- Personne. Ça pourrait être la comtesse Vira Saljesca comme la dernière des putains.
- Tout de même. Je ne vois pas l'ancien grand-précepteur du Duc se vautrer dans un bordel.
- Certes. Quoi qu'il en soit, il a été élevé par une femme charmante dans la superbe maison Vovere.
- Quelques fois, on gagne à ne pas connaître sa mère...
- Sauf s'il s'agit de Vira Saljesca. »
« Tu n'entreras jamais à la
maison des Roses de Verre, Saed !
- Et après ? Je suis déjà meilleur que certains nobles !
- Quel prétentieux tu fais, petit frère... Je suis fier de toi !
- Ainsi, pendant que tu les feras crouler sous les impôts, je les corrigerai à la lame.
- Tu le promets ? Que tu me protégeras, tu le promets ?
- Je te le jure. »
« Tu n'étais pas censé devenir un maudit Veste Jaune !
- Comprends-moi. Ma place...
- Ta place est avec moi ! Et notre père. Mère t'aime comme un fils...
- Je fais partie de ces gens.
- Qu'est-ce que tu racontes, Saed ? Tu n'as jamais foutu les pieds hors du Numismate !
- Justement. Il est temps. Je suis le
bâtard du finankier Vovere.
- Tu es mon frère.
- Je suis ton
demi frère. »
« Il a de bons états de service.
- Un élément prometteur.
- Il est jeune, en effet.
- Ce qui est à son avantage : il n'a pas encore été corrompu.
- Je vois... Qu'est-ce que vous préconisez, sergent ?
- Nommez-le.
- A même pas trente ans ?
- S'il réussit, maître Vovere saura parler de vous à son Altesse le Duc. S'il échoue... disons que maître Vovere aura eu tort de jouer de son influence.
- Je n'aime pas qu'on me force.
- Vous savez, Capitaine, ces temps-ci, dans les Docks, il meurt un sergent toutes les trois mois.
- Oh, c'est pour les Docks. Alors, dans ce cas, très bien. »
« Varna l'a à la bonne ?
- Il a su lui parler.
- Quoi ? On va garder le même sergent deux semaines de suite ?
- Attends, attends. T'emballes pas. Ils ont causé et il est reparti vivant, c'est tout ce que je dis.
- Il est reparti avec ses couilles ?
- Que je sache.
- On va le garder, not' sergent ! »
« Les Vestes Jaunes sont calmes, ces derniers temps...
- On dit même qu'ils boivent à la même table que nous autres !
- En tout cas, ils vont voir les mêmes putes que les nôtres.
- On aime les mêmes choses, en fait. L'alcool et les putains. Ça me va, ceux-là sont réglo. »
« Ça doit le changer de la Rangée du Numismate, le bourgeois.
- Sans déconner.
- J'ai bien hâte de voir son corps flotter dans un canal.
- Si ces cons de voleurs et d'assassins se dépêchent pas, je vais m'en occuper, moi, du sergent.
Couic, à la baille.
- Parle moins fort.
- Il va me faire quoi ? un sermon ? Je l'emmerde, le puceau ! »
« Faites-le revenir.
- Ton frère a fait un choix.
- Qu'il le fasse dans Razona ou Videnza ! Qu'est-ce que vous attendez, Père ? qu'il se fasse égorger par un vulgaire resquilleur en quête d'un peu de mire ?
- Il voulait y aller. Et tu le voulais aussi. Tu ne t'en souviens pas ? Quand tu m'accusais de te le préférer. Eh bien ? Oh,
je vois. Il t'embarrassait près de moi. Mais, pire que tout, ses exploits dans les fonds t'éclaboussent jusqu'ici.
- J-je veux seulement qu'il rentre. Faites-le rentrer.
- Il rentrera. Plus tard. »